“Laurent Wauquiez fait des économies sur le dos des pauvres” – Entretien à Capital

Presse Auvergne-Rhône-Alpes Publié le 2 avril 2021

L’ex-ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem cherche à relancer sa carrière politique avec un défi de taille : le 14 mars dernier, elle a annoncé sa candidature aux élections régionales en Auvergne-Rhône-Alpes. À la tête de la liste PS, elle affrontera le président sortant, Laurent Wauquiez, favori à sa réélection. Entretien avec une candidate qui ne retient pas ses coups.

Téléchargez ici l’entretien à Capital en format imprimable et retrouvez-le ci-dessous :

Capital : Najat Vallaud-Belkacem, vous avez été testée positive au coronavirus il y a peu. Comment allez-vous ?

Najat Vallaud-Belkacem : J’ai eu quelques symptômes mineurs, mais ce n’était pas la version sévère du virus. Je me suis isolée pendant dix jours sans que ça perturbe trop mon début de campagne. Cela m’a donné l’occasion de travailler sur le fond de mon programme pour la région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) et de poursuivre, en visio, mes échanges avec les habitants et nos partenaires.

Capital : Vous critiquez durement le bilan et le style de Laurent Wauquiez. Pourtant, beaucoup lui reconnaissent le mérite d’avoir permis à la région de faire des économies et louent son activisme lors de la crise sanitaire pour permettre à la collectivité d’avoir des masques et des tests…

Najat Vallaud-Belkacem : Laurent Wauquiez est un homme intelligent et formé aux meilleures écoles de la République. Mais cette culture et cette intelligence sont dévoyées au service unique de son ambition personnelle et de son ego. Sa communication semble lui importer bien plus que le pilotage d’un territoire. Demandez aux acteurs locaux ce qu’ils pensent de la nuée de panneaux bleus qui maillent le territoire pour vanter ses mérites…

La région la mieux gérée de France ? “Une plaisanterie !”

Capital : Et la gestion ? Il se vante souvent d’être à la tête de la région la mieux gérée de France…

Najat Vallaud-Belkacem : C’est une plaisanterie. Les choix budgétaires de Laurent Wauquiez visent-ils l’intérêt général ? Est-ce qu’ils permettent de créer des richesses ? Absolument pas. Pour faire des économies, l’exécutif régional a laminé la tarification sociale des transports collectifs, amputé le budget de la formation professionnelle de 185 millions d’euros par an, en cumulé cela représente 1 milliard d’euros supprimés sur le dos des chômeurs. Il a par ailleurs réduit les subventions des associations environnementales, du planning familial…

Je n’accepte pas de dire qu’une région est bien gérée quand son président a fait des économies dans la poche des pauvres, sur le dos des publics fragiles. Sur la crise sanitaire, il n’a fait ni plus, ni moins que toutes les autres régions de France et que tous les élus locaux qui continuent de se mobiliser. Ce qu’il a fait en plus par rapport à d’autres dans cette période ? La communication à outrance sur les masques et les tests alors que tout cela a été financé par l’État, l’Union Européenne et l’Assurance maladie. Cela, vous remarquerez qu’il ne le dit jamais.

 Capital : Dans votre région, la gauche part divisée avec les Verts et les communistes qui présentent leurs propres candidates au premier tour. Un regret ?

Najat Vallaud-Belkacem : Bien sûr que c’est un regret ! Le rassemblement de la gauche, c’est quand même la meilleure façon de partir forts, armés, dans une élection. Une fois qu’on a dit cela, ne restons pas paralysés ! Nos discussions se poursuivent, il y a des convergences, nos portes sont ouvertes et le rassemblement reste possible avant le premier tour, ou au soir du premier tour.

Capital : Parlons de votre programme. Vous avez annoncé la création d’un parlement climatique au niveau régional. Pouvez-vous détailler ce projet ?

Najat Vallaud-Belkacem : Avec ses compétences en matière de transports ou d’aménagement du territoire, la région est un acteur majeur de la transition écologique. Ma conviction, c’est qu’il est impératif d’impliquer les citoyens dans ce défi, sinon, ils ne peuvent y adhérer. On se rappelle bien l’exemple des Gilets jaunes et de la taxe carbone. Pour qu’elle soit efficace, il faut une écologie populaire, au sens où elle s’appuie sur un diagnostic et des projets partagés par le plus grand nombre. C’est pourquoi, j’ai eu l’idée d’un parlement climatique régional qui réunira un panel de citoyens tirés au sort, des experts, des scientifiques, des associations, des représentants du monde économique … afin que tous œuvrent ensemble pour penser une réelle écologie régionale partagée.

Ce parlement contribuera activement à la mise en place des politiques publiques en matière de préservation des ressources naturelles, de protection de la biodiversité, de lutte contre les pollutions, et d’accompagnement des personnes dont l’activité doit évoluer du fait du changement climatique. Ce n’est pas une énième instance pour parler de l’écologie entre soi: c’est un outil opérationnel pour accélérer la mise en œuvre d’un nouveau modèle économique et social.

Najat Vallaud-Belkacem promet “500.000 places en formation professionnelle”

Capital : Ce Parlement climatique sera-t-il doté d’un véritable pouvoir normatif ?

Najat Vallaud-Belkacem : Le Parlement climatique émettra des avis publics et des recommandations sur les politiques publiques régionales, avec un pouvoir contraignant que nous voulons aussi fort que possible, pour veiller à ce que nos politiques soient en adéquation avec nos ambitions environnementales. Il sera le garant du respect de la conditionnalité des critères environnementaux et sociaux dans la distribution de subventions régionales aux entreprises, associations… C’est la garantie que l’ensemble des politiques publiques de la région seront regardées à l’aune de l’absolue nécessité de veiller à la transition écologique de nos territoires.

Il veillera au respect de la conditionnalité des critères environnementaux et sociaux dans la distribution de subventions régionales aux entreprises, associations… C’est la garantie que l’ensemble des politiques publiques de la région seront regardées à l’aune de l’absolue nécessité de veiller à la transition écologique de nos territoires.

Capital : La refonte de la politique régionale de formation professionnelle est une autre priorité de votre programme. Pourquoi ?

Najat Vallaud-Belkacem : Il est urgent d’agir car Laurent Wauquiez a littéralement détruit la formation professionnelle en six années de mandat. Dans la première région industrielle de France, on a totalisé moins de 100.000 entrées en formation professionnelle, alors qu’il y a 500.000 chômeurs de catégorie A. Je me suis donc fixé l’ambition de créer 500.000 places en formation professionnelle durant mon mandat. Dans le monde actuel, c’est indispensable. Notre jeunesse doit être qualifiée : à quelques exceptions près, on ne peut plus exercer de métiers sans diplômes, c’est un fait. De plus, nous vivons dans un monde de reconversion professionnelle et c’est le rôle des pouvoirs publics d’être au rendez-vous pour répondre à la quête de sens des citoyens qui, après quelques années, éprouvent un besoin de changement.

Enfin, la sortie de crise sanitaire va sans doute entraîner une vague de licenciements et une recrudescence du chômage, à laquelle la région devra répondre. C’est une priorité pour les jeunes et pour les chômeurs, c’est une priorité aussi pour les chefs d’entreprises qui ne peuvent pas recruter à la hauteur de leurs besoins. Nous sommes la seule région de France à avoir renoncé aux financements de l’Etat sur ce sujet : on marche sur la tête.

Propos recueillis par Barthélémy Philippe pour Capital – Publié le 31/03/2021
https://www.capital.fr/economie-politique/najat-vallaud-belkacem-laurent-wauquiez-fait-des-economies-dans-la-poche-des-pauvres-1398789

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