Par Najat Vallaud-Belkacem et Pascal Brice*
Madame la Première ministre,
Dans la nuit du mardi 21 mars, une nouvelle étape a été franchie dans l’escalade des violences contre les élus, les associations et les communes qui accueillent des étrangers dans notre pays. Le domicile du maire de Saint-Brévin, en Loire-Atlantique, a été directement la cible d’une attaque violente qui aurait pu conduire en pleine nuit à un drame meurtrier pour cet élu et sa famille.
Au simple motif qu’avec son conseil municipal unanime, toutes tendances politiques confondues, il est déterminé à continuer d’accueillir dans la tranquillité publique des demandeurs d’asile sur sa commune.
Depuis de longs mois, ces agressions vont croissantes, des plus insidieuses aux plus visibles. Les élus reçoivent des menaces, subissent des intimidations jusque devant leur domicile. Les parents des élèves des communes concernées sont destinataires de messages leur faisant porter la responsabilité de dangers imaginaires pour les enfants en cas d’arrivée d’étrangers. Membres d’associations, élus locaux, journalistes, personne n’est épargné.
Depuis que les pressions de l’extrême droite sous ses diverses formes ont semblé avoir gain de cause dans une commune bretonne qui a subi un déchainement de manipulations, des manifestations sont maintenant régulièrement organisées par un parti d’extrême droite devant nos centres d’accueil : il y a quelques semaines dans les Yvelines ; à Saint-Brévin justement, peu avant le drame du 21 mars. A chaque fois ces manifestations sont peu fréquentées, la mobilisation des habitants y étant bien supérieure.
Mais ce barnum de la haine donne lieu à un déversement de propos haineux et constitue une incitation directe au passage à l’acte en désignant des lieux et des personnes – étrangers et leurs familles, équipes municipales et associatives – à la vindicte. Il est relayé par des appels au développement d’actions coordonnées sur le territoire national, n’ayant pour seul objectif que d’attiser la haine et de déstabiliser les pouvoirs publics.
Il y a quelques semaines, le Centre d’accueil pour demandeurs d’asile de Bègles de France Terre d’Asile et des hébergeurs citoyens ont été victimes de tags racistes et menaçants signés d’un groupuscule d’extrême droite. Comme le vivent les associations membres de la Fédération de acteurs de la solidarité, la liste des lieux de vie dans lesquels ces actions se multiplient s’allonge un peu plus chaque jour.
Tentatives de déstabilisation
Dans ces conditions, nos associations sont de plus en plus confrontées, partout sur le territoire national, aux hésitations des élus au moment de s’engager dans l’installation de lieux d’accueil au titre pourtant d’une politique nationale, que nous partageons, d’accueil mieux réparti sur l’ensemble du territoire national. Non pas parce qu’ils ne voudraient pas accueillir. Ils savent trop les effets positifs de tels accueils pour la vitalité de leurs communes, des écoles aux anciens. Mais parce qu’ils craignent désormais que leurs communes, eux-mêmes et leurs familles ne soient abandonnés aux violences des semeurs de haine.
Face à ces tentatives de déstabilisation, nous avons plus que jamais besoin de la détermination et de la mobilisation visibles de l’Etat, de la vôtre et de celle de l’ensemble du gouvernement. Nos associations, professionnels et bénévoles, les élus, les habitants, engagés ou non dans l’accueil en ont besoin. Les habitants qui aspirent à la tranquillité en ont besoin.
Nous vous demandons dans ce contexte de mobiliser pleinement et activement les services de l’Etat pour accompagner – politiquement, matériellement, judiciairement – plus fortement que jamais les élus, les associations et les habitants dans l’accueil organisé des étrangers dans notre pays et pour faire cesser l’action des partis, groupes et individus qui propagent la haine et la violence contre les étrangers, les communes et associations qui les accueillent pour réaffirmer les valeurs fondatrices de notre République démocratique, humaniste, fraternelle.
Veuillez, madame la Première ministre, recevoir l’expression de notre considération.
*Najat Vallaud-Belkacem est présidente de France Terre d’Asile. Pascal Brice est président de la Fédération des acteurs de la solidarité.
Lettre publiée le 25 mars 2023 dans l’Express.
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