Mes priorités pour l’école – Entretien à la Dépêche du Midi

Éducation nationale Publié le 13 septembre 2014

La ministre de l’Éducation nationale était, ce vendredi 12 septembre 2014, à Albi où elle a rencontré des enseignants et des parents d’élèves de l’école où une institutrice avait été tuée en juillet dernier. La ministre de l’éducation nationale sera aujourd’hui dans l’Ariège à la fête de la rose à l’invitation du président du Sénat, M. Bel. Elle répond à nos questions.

Dans une enquête Pisa 2012 qui mesure les compétences des élèves de 15 ans, environ 20 % des jeunes Français n’atteignent pas le niveau de base en compréhension de l’écrit.

Oui ces chiffres sont inquiétants. Trop d’élèves sont en difficulté au moment d’entrer au collège alors même que notre école maternelle, elle, est de plus en plus performante. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de donner la priorité au primaire et d’y concentrer des moyens supplémentaires. L’école doit absolument combattre les déterminismes sociaux, c’est la condition sine qua non à la fois de la réussite de notre pays et de la confiance que notre société lui voue. C’est pour cela que nous nous donnons les moyens depuis deux ans de remettre, notamment dans les territoires qui cumulent les difficultés sociales, plus de maîtres que de classes. C’est pour cela aussi que nous avons voulu rétablir la formation des enseignants pour les rendre plus forts face aux difficultés des élèves. C’est enfin pour cela que nous avons fait la réforme des rythmes scolaires car les enfants apprennent mieux en 5 matinées qu’en 4.

Cette réforme est-elle derrière nous ?

Nous avons franchi un pas important mais le travail n’est pas fini. Ce qui est derrière nous, c’est le déploiement des nouveaux rythmes. Ce qui est devant nous, et que je veillerai à faire dans le plus grand dialogue avec les acteurs concernés, c’est la bonne complémentarité entre les temps scolaire et périscolaire. Mieux apprendre, en le faisant aux moments les plus propices, et découvrir des activités artistiques, culturelles ou sportives qui enrichissent les enfants. Ces deux ambitions doivent être atteintes.

Quelles sont vos priorités pour refonder l’école ?

D’abord mener à bien toutes les dimensions de la refondation de l’école adoptée en juillet 2013. On a commencé à la mettre en œuvre, avec la création de nouveaux postes, la formation des enseignants, la priorité donnée au primaire, la préscolarisation des enfants avant trois ans là ou il y en a le plus besoin. Vont arriver une série de réformes tout aussi importantes comme la rénovation des programmes et du socle commun de connaissances, de compétences et de culture qu’un élève va devoir maîtriser à la fin de sa scolarité. Je pense aussi à la réforme de l’évaluation qui doit veiller à encourager les élèves plutôt qu’à les décourager. On va aussi ouvrir les premiers débats sur la réforme du collège. Parmi les sujets qui me tiennent à cœur, il y a la question de la relation entre l’école et le monde professionnel. L’école doit s’intéresser davantage à ce que devient l’élève ou le jeune après son passage scolaire, faire en sorte que les relations école-entreprise se multiplient, que l’orientation soit rénovée pour permettre aux élèves de choisir véritablement, que l’enseignement professionnel soit davantage valorisé, qu’il y ait davantage d’apprentissage. Le deuxième sujet auquel je suis attaché, c’est le sujet des relations entre les parents et l’école. Un sondage montre que 9 % seulement des Français se disent vraiment satisfaits de leur école. La difficulté vient trop souvent d’incompréhensions, de malentendus, d’éloignement. Il faut que les parents éloignés de l’école en soient rapprochés, que le dialogue soit permanent et que les enseignants puissent travailler dans un climat de confiance, cela va dans l’intérêt de la réussite des enfants.

Vous allez continuer à lutter contre les stéréotypes du sexe ?

L’école, au-delà de la mixité qu’elle affiche et qu’elle respecte, doit veiller à développer chez les filles et les garçons les mêmes compétences, les mêmes ambitions professionnelles, sans autocensure. Offrir à tous les enfants les meilleures chances de réussite, c’est l’objet du plan d’action pour l’égalité filles-garçons qui prévoit notamment de former les enseignants et de leur donner les outils pour promouvoir l’égalité et le respect entre les sexes. Ce plan sera présenté aux parents dans les conseils d’école.

Selon l’OCDE, les instituteurs sont moins payés que les professeurs des collèges et lycées…

C’est vrai. C’est pourquoi depuis 2012 nous avons pris des décisions pour remédier à ces écarts. Nous avons créé une prime de 400 € par an pour les enseignants de maternelle et de primaire et les personnels de direction. Ensuite on a permis chaque année à 2000 personnes supplémentaires de bénéficier d’une amélioration de carrière et d’une augmentation de salaire.

Les bourses au mérite ont été supprimées. Pour quelles raisons ?

Le gouvernement a fait un effort conséquent avec une augmentation de 450 millions d’euros du budget consacré aux bourses. Cela a servi à les revaloriser et à augmenter le nombre de bénéficiaires. 130 000 étudiants supplémentaires, de familles défavorisées mais aussi de classes moyennes, sont désormais aidés. Dans un cadre budgétaire contraint c’est vrai que nous avons dû mettre fin aux bourses au mérite mais ceux qui pouvaient en bénéficier pourront bien sûr prétendre à ces bourses sur critères sociaux.

Pensez-vous qu’il existe une crise de vocations ?

Non. La suppression de postes d’enseignants pendant plusieurs années a forcément conduit des étudiants qui auraient pu être attirés par ces métiers à s’en détourner. Depuis que nous avons rouvert les recrutements, on constate que les concours attirent de plus en plus. En Midi-Pyrénées, nous avons créé 167 postes dans le 1er degré en 2014 et 196 l’an dernier. L’ancienne majorité en avait supprimé 98 en 2011 et 219 en 2012.

Vous êtes devenue une cible privilégiée d’attaques racistes ou sexistes. Comment réagissez-vous ?

Je ne suis pas quelqu’un de particulièrement méprisant, mais face à l’outrance, la seule réaction qui vaille pour moi, c’est le mépris.

Vous avez rencontré les enseignants de l’école d’Albi dans laquelle une institutrice a été tuée le 4 juillet dernier. Que leur avez-vous dit ?

Le jour du drame j’ai ressenti comme tous les Français de l’horreur, de la consternation, de la douleur. Mon prédécesseur, Benoît Hamon, qui s’était rendu sur les lieux le jour même, avait promis qu’on reviendrait. C’est ce que je fais. Je suis venue voir les personnels éducatifs, les parents d’élèves, toutes les équipes de l’académie pour les assurer de notre soutien moral et matériel et faire en sorte que cette rentrée scolaire se passe dans les meilleures conditions possible.

Votre meilleur souvenir d’école ?

Ce sont les rentrées avec leur lot de nouveautés : enseignants, copains, aventures… Je les attendais toujours avec impatience, curiosité, un peu d’anxiété aussi.