“Parents : la ministre prend note” – Reportage de Libération sur le 1er Café des Parents

Presse Éducation nationale Publié le 17 septembre 2014

Le journal Libération a publié en exclusivité un reportage sur le 1er Café des Parents au cours duquel Najat Vallaud-Belkacem, ministre en charge de l'Éducation nationale a rencontré des familles d’élèves, qu’elle souhaite plus impliquées dans l’école

«Et dans votre école, vous n’avez jamais été confrontés à une incivilité de la part de parents ?» demande la ministre Najat Vallaud-Belkacem. «En huit ans, on a eu un père qui trouvait qu’ouvrir les classes entre 8 h 20 et 8 h 45, ça ne suffisait pas, et qui était furieux qu’on ne le laisse pas entrer après. Tout s’est arrangé avec le dialogue», répond le père d’élève de l’école primaire Pajol, à Paris. «C’est formidable comme tout se passe bien chez vous, pour nous vous êtes le pays des Bisounours !» s’exclame une mère de l’école Diderot de Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Les autres parents assis en rond avec la ministre, approuvent : l’école Pajol, où parents et enseignants semblent vivre en parfaite harmonie, suscite l’admiration.

Cela fait plus d’une heure qu’a débuté le premier «café des parents» ce lundi dans un petit salon du ministère de l’Education nationale. Les onze personnes conviées – 8 femmes et 3 hommes – discutent à bâtons rompus. Ravie de ces échanges, la ministre écoute et prend des notes. Najat Vallaud-Belkacem, qui a fait du rapprochement école-parents l’une de ses priorités, a décidé de lancer des cafés des parents mensuels, à Paris mais aussi en province – Libération a pu assister au premier en exclusivité.

Blocages. Dans ces discussions informelles, elle entend prendre le pouls du terrain et nourrir ses réflexions sur la coéducation qu’elle prône, notamment à destination des familles les plus éloignées de l’école, qui n’en connaissent pas les règles et en ont souvent peur. Pour que l’exercice soit crédible, les participants, contactés par les rectorats, sont issus d’horizons divers. Venus de Paris, de Gennevilliers, de Pantin et de Montreuil (Seine-Saint-Denis), la plupart ont des enfants en primaire, quelques-uns au collège. Certains relèvent de l’éducation prioritaire. Souvent représentants élus, la majorité sont indépendants, quelques-uns de la FCPE (première fédération de parents, à gauche) et de la Peep (classée à droite). Les plus actifs ont participé à des blocages pour obtenir un poste.

Chacun est venu avec son message. Les trois mères de Gennevilliers démarrent sur les absences de profs non remplacées, un problème endémique dans la ville, selon ces mamans, qu’elles vivent comme une injustice. «On a eu l’an dernier 39 absences et seulement 5 jours remplacés», déplore l’une d’elles. «Or, nos enfants doivent pouvoir réussir comme les autres, complète sa voisine, et aspirer à tous les métiers : médecin, avocat…» La ministre répond que tout va s’arranger avec la réforme de l’éducation prioritaire : «On va rendre ces établissements plus attractifs pour les enseignants.» Une mère du collège Jean-Moulin de Montreuil parle aussi d’injustice et réclame des «signaux forts». Elle a laissé son enfant dans le collège de quartier, déserté par les familles des classes moyennes et supérieures, explique-t-elle, qui inscrivent leurs enfants dans le privé. «Le collège est ghettoïsé, avec 46% d’élèves de milieux défavorisés, et nous payons des impôts qui financent le privé.» Pour rétablir de la mixité, elle demande que les options comme les classes bilangues ou le latin ne soient plus chaque année remises en cause. «Nous ne finançons pas le privé, nous payons les enseignants, c’est tout», corrige la ministre.

Puis elle recentre le débat sur les parents. «Etre partenaire de l’école, pour vous c’est quoi ?» demande-t-elle en faisant circuler un plateau de cannelés. Sur la table basse, il y a aussi des chouquettes et des gobelets en carton marqués «café des parents», lesquels font part de leur expérience. A Pajol, qui scolarise beaucoup d’enfants d’origine étrangère, un interprète est là toute la semaine de la rentrée pour aider les parents, et les conseils d’école sont ouverts à tous. «Ah mais, chez nous, seuls les trois parents délégués peuvent y participer !» s’étonne une mère de Pantin. «Avant, on était là pour les gâteaux et pour les crêpes, explique une mère. Aujourd’hui, on intervient auprès d’un professeur qui a oublié un enfant puni qui est arrivé en retard à la cantine, on aide les mères qui ne comprennent pas les consignes, et on fait aussi des goûters de parents.» «En fait, cela dépend beaucoup de la directrice de l’école», conclut un père parisien.

«Sociables». «Jusqu’où les parents doivent-ils intervenir ?» Les participants sont d’accord : aux profs l’enseignement et les programmes, aux parents le suivi des enfants. Pour les notes, ils aimeraient avoir leur mot à dire : «C’est nous qui en voyons l’impact sur nos enfants.» «En somme, vous faites confiance aux enseignants mais vous voulez être informés», résume Vallaud-Belkacem. «Finalement, quels sont pour vous les critères de réussite de l’école ?» enchaîne-t-elle. «Que nos enfants soient tirés vers le haut», commence une mère. Qu’ils aient «envie d’apprendre», complètent les autres, qu’ils «aient le goût de l’effort», qu’ils «soient autonomes», «sociables», «épanouis»… La ministre, apparemment contente de sortir des lieux communs sur l’importance des diplômes : «L’école comme un lieu d’éveil des talents.»

Par Véronique Soulé – publié dans Libération du mercredi 17 septembre 2014.

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