L’apprentissage est une voie aussi noble que les autres – Entretien à Metronews

Presse Éducation nationale Publié le 22 septembre 2014

Donner un véritable coup d’accélérateur à l’apprentissage en perte de vitesse depuis deux ans : vendredi, François Hollande a fait un nouveau geste en faveur des entreprises qui emploient des apprentis, en annonçant un certain nombre de mesures.

Parmi elles notamment, la nouvelle prime de 1000 euros destinée aux entreprises qui embauchent un premier apprenti, votée cet été à l’Assemblée. Celle-ci va désormais être élargie à “tout apprenti supplémentaire” et ouverte aux entreprises jusqu’à 250 salariés, contre 50 initialement. Au regard du contexte actuel de crise économique, ce coup de pouce peut-il être suffisant ? La ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, qui était présente aux côtés de François Hollande vendredi, a répondu à Metronews.

► Pourquoi l’apprentissage a eu autant de mal, jusqu’ici, à décoller en France ?

Au delà des difficultés économiques des entreprises, je pense surtout que, culturellement, l’apprentissage n’a jusqu’ici pas assez été valorisé. Quand on interroge les Français, on se rend compte que l’apprentissage a beau être plébiscité pour lutter contre le chômage des jeunes (prés de 90% des Français lui font confiance pour cela), il reste mal connu et mal considéré : on l’imagine toujours comme réservé à des jeunes en difficulté scolaire.

► On estime aussi souvent qu’il débouche sur des métiers faiblement rémunérés…

Absolument. Alors on évite d’y pousser ses propres enfants… L’apprentissage recouvre une réalité bien plus diverse, pourtant. Ces dernières années, il s’est ainsi beaucoup développé pour les niveaux post-bac : master, ingénieur… Et il conduit à des métiers très pointus. Au fond, l’apprentissage répond à la fois à une envie de se former différemment, en alternance, exprimée par un nombre de plus en plus grand de jeunes, et à un besoin des entreprises. Pour que ces deux-là se rencontrent, il nous faut collectivement cesser de le déconsidérer.

► En temps que ministre de l’Éducation, quelle est concrètement votre marge de manœuvre ?

L’Education nationale forme aujourd’hui 40.000 apprentis. Nous souhaitons en avoir 60.000 en 2017. Nous actionnons tous les leviers possibles pour y parvenir. Le 11 octobre, déjà, sera lancée une grande campagne de promotion de l’apprentissage. De mon côté, j’ai demandé aux recteurs de mettre en place dans toutes les académies une journée d’information sur les métiers où l’apprentissage tiendra une place toute particulière. Je leur ai aussi demandé d’intégrer l’information sur l’apprentissage  dans les outils d’orientation et d’affectation notamment à la sortie de la 3eme et du bac. Au-delà, je souhaite développer les campus des métiers et des qualifications, qui sont des lieux où les jeunes peuvent être pour partie sous statut scolaire et pour partie sous statut d’apprenti, ce qui leur permet de suivre des cursus de très grande qualité. Etre apprenti, pour un jeune, ne doit plus signifier qu’il arrête ses études très  tôt : au contraire, nous devons lui permettre d’élever son niveau de qualification en valorisant ses acquis d’un niveau à l’autre, et ainsi passer d’un CAP à un bac pro puis à un master.

► Vous semblez préconiser de sortir de cette rigidité qui est parfois reprochée à l’Education nationale…

Oui, et cela commence par arrêter de raisonner en voie “noble” et voie “moins noble”. L’enseignement professionnel et l’apprentissage sont des voies aussi nobles que les autres. Et je veillerai à les valoriser à leur juste mesure. J’ai une obsession : que l’école offre à chaque jeune un parcours de réussite qu’il puisse choisir et dont il puisse aussi changer si celui-ci ne lui convient pas. Sans pour autant devenir un déclassé du système, comme cela peut être le cas à l’heure actuelle.

► Jusqu’ici, l’apprentissage semble être surtout choisi par des garçons. Votre plan d’action prévoit-il aussi plus de mixité ?

C’est en effet un enjeu majeur qui devient central dans le nouveau service public d’orientation que nous sommes en train de créer, et qui sera effectif sur tout le territoire en 2015. Les conseillers d’orientation seront chargés de combattre l’autocensure qu’on constate souvent à l’égard de métiers qu’on considère “pas faits pour soi”. Plus généralement, dans quelques jours sortira la campagne “mixité des métiers” qui donne à voir la palette infinie des opportunités professionnelles pour les filles et pour les garçons. Mais, au-delà de cette question, se pose celle de l’égalité d’accès à l’apprentissage pour tous les jeunes tentés par cette voie. Les enquêtes montrent que, trop souvent encore, l’adresse ou l’origine des jeunes constitue un frein quand il s’agit de trouver une entreprise. Vendredi, le président a clairement demandé aux organisations patronales et aux branches professionnelles de lutter contre ces discriminations.

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