Retrouvez ici la préface consacrée par Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à la ré-édition de l’Album d’Auschwitz par le réseau Canopé et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Ouvrir L’Album d’Auschwitz est tout aussi difficile que de le refermer. Il faut d’abord du courage pour l’ouvrir parce que l’on imagine aisément ce que vont dévoiler ses pages : les dernières images de vie juste avant la mort, les femmes enceintes et les mères avec enfants, épuisées par un long périple dans des conditions atroces et condamnées de manière certaine à la chambre à gaz, les hommes et les femmes sélectionnés « aptes au travail » et qu’un long parcours de labeur attend, fait d’humiliations, d’appels interminables sur l’Appellplatz, de maladies et de violences les condamnant bien souvent eux aussi à une fin proche, et les monticules de bagages abandonnés à la va-vite sur la rampe. Mais il faut aussi du courage pour refermer ce livre et se séparer de ces visages que l’on s’est pris à connaître à force de les observer : ces trois enfants qui marchent vers la mort, main dans la main ; les visages presque confiants de celles et ceux qui discutent un dernier instant sans se douter de ce qui les attend ; ces hommes encore parés de leur costume et coiffés de leur chapeau qui ne leur seront bientôt plus d’aucune utilité ; ces femmes tondues qui sortent du Zentralsauna avec les vêtements d’autres qui, avant elles, sont arrivées au camp et n’ont pas survécu. Et même après avoir refermé L’Album d’Auschwitz, on reste hanté par ces photographies. Au fond, je crois qu’après l’avoir ouvert, on ne referme jamais tout à fait L’Album d’Auschwitz.
Ces photographies, uniques au monde, font de cet ouvrage une pièce majeure de l’Histoire. L’Album d’Auschwitz, ce sont des histoires personnelles qui font notre histoire collective. Ce sont aussi de merveilleux textes qui nous rappellent le caractère délibéré et massif de la Shoah. Au-delà de l’imaginable. La Shoah n’est pas un moment d’égarement d’une poignée d’êtres humains. Elle est le fruit d’une réflexion méthodique, collective, de réunions de travail et de décisions prises en toute conscience pour décider de la meilleure manière d’exterminer une partie de l’humanité.
Dans leur volonté de tout maîtriser jusque dans les moindres détails – de l’aspect rassurant des prisonniers accueillant les convois pour ne pas effrayer les nouveaux déportés, aux flux de prisonniers mûrement organisés – les nazis ont omis la part de hasard qui fait l’Histoire. C’est ce hasard, sans doute, qui a conduit Lili Jacob à ouvrir le tiroir qui renfermait cet album photos plutôt que de passer devant sans s’arrêter. En survivant aux épreuves insoutenables de la vie à Auschwitz, en découvrant cet album dans une baraque allemande au moment de la libération du camp, en le conservant puis en le cédant à Yad Vashem en 1980, Lili Jacob nous a fait un don d’une valeur inestimable. Elle a aussi, à sa manière, mis les nazis en échec : L’Album d’Auschwitz entretient le souvenir là où les nazis ont tout fait pour effacer les traces ; il met des visages sur les déportés. Soudainement, en contemplant ces clichés et même lorsque sa famille n’a pas été déportée, on se rend compte que ces grands-mères exterminées sont un peu nos grands-mères, que ces enfants sont un peu nos enfants, que ces frères et sœurs disparus, ces pères au regard vide qui s’apprêtent à mourir sont un peu notre famille aussi. On voudrait pouvoir les sauver. On ne peut pas.
Nous pouvons en revanche transmettre, avoir assez confiance en l’être humain pour penser qu’il soit capable de recevoir cette Histoire et pas assez confiance pour croire qu’il ne soit plus jamais capable de tels actes.
Transmettre, c’est ce que font chaque jour les historiens et les enseignants et c’est ce que fait le réseau Canopé en rééditant cet ouvrage. Certes, la mémoire et les valeurs transmises par l’école ne garantissent en rien l’usage qui en est fait par les élèves à l’âge adulte : ils peuvent à leur tour les transmettre ou choisir de les bafouer. Mais ne rien transmettre serait prendre un risque insupportable : celui de voir l’Histoire se reproduire. Transmettre est donc indispensable pour former les citoyens éclairés de demain, pour prendre le relai des témoins vivants dont la disparition progressive nous responsabilise. L’enseignement de la Shoah débute dès l’école primaire et se poursuit au collège, avec l’étude en 3ème des « Guerres mondiales et régimes totalitaires » et du génocide des Juifs et des Tziganes. Au lycée, dans la voie générale, « la guerre d’anéantissement » et « le génocide des Juifs et des Tziganes » sont au cœur du questionnement sur la Seconde Guerre mondiale. Dans la série science et technologie de la gestion, en 1ère, la question obligatoire inclut un travail sur « le complexe des camps d’Auschwitz».
En complément des enseignements, les actions éducatives impulsées par les académies et le concours national de la résistance et de la déportation, dont le thème est cette année « La libération des camps nazis, le retour des déportés et la découverte de l’univers concentrationnaire », jouent un rôle important pour aider les élèves à s’approprier l’Histoire de la Shoah.
Les journées commémoratives sont aussi des moyens privilégiés pour mener ce travail pédagogique. Parce que la communauté éducative en est consciente, le ministère de l’éducation nationale sera pleinement engagé dans la commémoration du 70e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau le 27 janvier 2015 aux côtés de ses partenaires, au premier rang desquels le Mémorial de la Shoah et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Pour ne pas oublier.
Najat Vallaud-Belkacem,
Ministre de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche,
Décembre 2014.
Pour consulter le webdocumentaire “Les deux albums d’Auschwitz“, rendez-vous à l’adresse suivante http://www.reseau-canope.fr/les-2-albums-auschwitz/.
Tags : Auschwitz, Déportation, Holocauste, Shoah
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Encor et encore les manouches dans les camps concentrtion les enfants ma famille interné mort et des manouches gitan son battu pour la france et guréme dernier survivant des gensduvoyages jamais invité batu par la police a 82 ans par ce née gitans quant pour allez faire le travail madame nous sommes les nomades avant d etre gens du voyage paix a tous nos morts la france en perdition
Une chose est sûre.Personne ne pourra nier que M. Hollande et TOUS(TES)ses Ministres ont Magnifiquement remis en Lumière les VRAIS Valeurs qui font la Grandeur de la France!!! Et rien que pour tout cela,je revoterais pour M. Hollande en 2017 !!!
plus jamais çamerci pour ces rassemblements de temoignage
Il y a des images que je connais depuis très longtemps, elles ne pourront jamais s’effacer de notre mémoire. Et elles font partie de la mémoire collective. Notre devise doit être :
PLUS JAMAIS CA .