Discours d’Avignon sur l’Éducation artistique et culturelle

Éducation nationale Publié le 8 juillet 2016

Ce vendredi 8 juillet 2016, en visite au festival d’Avignon, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a prononcé un discours à la suite de la présentation de la Charte de l’Éducation artistique et culturelle par le Haut Conseil de l’Éducation artistique et culturelle. L’occasion de saluer le travail du Haut Conseil, de revenir sur les avancées en matière d’Éducation artistique et culturelle et d’annoncer l’extension à 250.000 personnels supplémentaires du Pass Éducation.

Retrouvez ici le discours de la ministre :

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Madame la ministre, chère Audrey Azoulay,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le vice-président du Haut Conseil, cher Emmanuel Ethis,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,

Un comédien ou un metteur en scène, quand il lit un texte de théâtre, voit bien au-delà des lignes, bien au-delà de la page.

Dans son esprit des intonations résonnent, des actions se dessinent, un plateau mental s’anime, et les décors déjà s’esquissent. Oui, les répliques et les mots se prolongent déjà vers la scène, vers l’action.

Il en va un peu de même lorsque l’on regarde la charte élaborée par le Haut Conseil à l’Education Artistique et Culturelle.

Ce sont des phrases et des principes essentiels, bien sûr, mais leur véritable horizon, ce n’est pas d’être simplement lues, mais bien de nourrir des actions futures.

Il y a, dans certains textes, dramatiques ou non, quelque chose qui, selon la formule consacrée, appelle la scène.

Cette charte, cher Emmanuel Ethis, mesdames et messieurs les membres du Haut Conseil, appelle à l’action politique, et une action, comme l’a fort justement souligné Audrey Azoulay, collective.

Je tiens donc, à mon tour, à saluer le travail que vous avez accompli.

L’événement d’aujourd’hui constitue une étape importante.

Je remercie l’ensemble de ceux qui ont participé à l’élaboration de ces journées et à celle de la Charte : les membres du Haut Conseil, et, en leurs seins, les fédérations d’élus et de parents d’élèves, les artistes et les chercheurs, les représentants des administrations centrales et des ministères de la Ville de la Jeunesse et de Sports et de l’Agriculture.

Merci également au festival d’Avignon et à l’Université, qui nous accueillent dans ce cadre magnifique.

Et je félicite encore les membres du Haut Conseil qui ont pris part à l’élaboration de cette charte, votée à l’unanimité – une unanimité qui, reconnaissons-le, est rare.

Ses principes vont nourrir les projets des établissements scolaires, des institutions culturelles, des enseignants, des artistes, des associations et des collectivités, et contribuer au développement de l’éducation artistique et culturelle.

Audrey Azoulay l’a rappelé, nous avons connu, ces dernières années, des progrès remarquables, notamment dans le pourcentage d’élèves bénéficiant de l’éducation artistique et culturelle.

Dans certaines académies, nous dépassons déjà les 50%.  C’est, par exemple, le cas de celle de Nantes.

La quasi-totalité de nos académies ont signé des conventions pour le développement de l’Education Artistique et Culturelle, et je ne peux que saluer celle qui va être signée par la DRAC, l’académie de Nice, et l’académie d’Aix-Marseille. Elle est à la fois exemplaire et ambitieuse par sa cohérence et sa précision.

Alors, je parlais du texte, celui de la charte, mais il est d’autres textes, qui, pour arides qu’ils puissent sembler, marquent un tournant dans l’histoire de l’éducation artistique et culturelle.

Aussi, on risque de nourrir les stéréotypes et les contrastes entre l’éducation nationale et la culture, et alors qu’Audrey Azoulay a cité Yves Bonnefoy – dont je salue la mémoire – je vais évoquer des écrits sans doute moins poétiques, mais pourtant essentiels.

Je l’admets, il est difficile de faire rêver en évoquant le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, ou le code de l’éducation.

Mais si le code civil était, pour Stendhal, un modèle de style, une lecture inspirante au moment où il écrivait La Chartreuse de Parme, tout n’est peut-être pas perdu.

Le 8 juillet 2013, avec la loi de Refondation de l’Ecole, l’éducation artistique et culturelle pour chaque élève était, pour la première fois de l’histoire, inscrite dans le code de l’éducation et dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

A cette reconnaissance et cette légitimation, se sont ajoutés des textes de référence pour sa mise en œuvre, avec, notamment, le 9 juillet dernier, la publication du référentiel du Parcours d’Education Artistique et Culturelle.

Ici encore, et même si Antoine Vitez disait que « l’on peut faire théâtre de tout », je ne suis pas certaine que ce référentiel suscite un jour le désir d’un metteur en scène.

Mais il a nourri bien des projets. Sa force est de s’appuyer fermement sur trois piliers : la connaissance, bien sûr ; la rencontre avec des artistes et la découverte de lieux artistiques et culturels, ensuite ; la pratique, enfin, qui donne à l’élève l’occasion de comprendre et de saisir de l’intérieur les enjeux d’un art ou d’une pratique culturelle.

Alors, je tiens à vous rassurer, l’Education Nationale ne s’en tient pas aux seuls textes.

D’abord, par un investissement massif dans le domaine artistique et culturel, qui s’élevait, en 2015, à presque deux milliards d’euro. Ce chiffre qui recouvre, entre autre, le financement des enseignements artistiques,  les sommes alloués aux services éducatifs des structures culturelles, en passant par les Délégués académiques aux arts et à la culture, sans oublier les subventions aux associations.

Ensuite par un soutien sur le terrain, aux initiatives de plus en plus nombreuses qui se développent.

Pour leur donner le rayonnement qu’elles méritent, j’ai instauré, en 2015, une journée des arts à l’Ecole, durant laquelle sont donnés à voir, à entendre, à ressentir, notamment aux parents les pratiques et les apprentissages des élèves.

Dans ce soutien aux initiatives, j’ai souhaité qu’un effort tout particulier soit fait en faveur du développement du chant choral.

En 2012, 85% des établissements scolaires avaient une chorale en 2012.

Ils seront, à la rentrée 2016, 92%, et dans des académies comme Créteil ou Besançon, nous atteignons les 100 %.

Au-delà parce que ces initiatives doivent être connues et rayonner pour se multiplier encore, nous avons souhaité qu’une parlementaire soit chargée d’une mission de recensement et de mise en valeur de cette éducation artistique et culturelle de terrain. La députée Marie-Odile Bouillé sera très prochainement officiellement missionnée par le Premier ministre.

Nous avons aussi développé des partenariats nombreux, à l’échelle nationale, notamment avec le festival d’Avignon, et je suis heureuse de renouveler la convention qui nous lie à lui, et qui nous permettra de développer de nouvelles actions éducatives.

Car à travers les 3 clefs qui ornent les armes de la ville, nous voyons se dessiner, pour nos élèves, l’ouverture au monde, l’ouverture à l’autre, et l’ouverture à soi-même.

L’ouverture. Voilà un mot important quand on parle d’éducation artistique et culturelle.

L’effort collectif qu’elle nécessite passe forcément par une ouverture entre nous, au niveau institutionnel.

En juin 2015, se tenait et c’était inédit, la première réunion entre les recteurs et les DRAC. Ce sera désormais un rendez-vous récurrent.

En décembre dernier, a eu lieu le premier plan National de formation à l’éducation artistique et culturelle permettant de former en même temps et au même référentiel, enseignants et acteurs de la création.

Aujourd’hui, une convention va être signée, pour qu’un septième jour d’ouverture de trois musées nationaux soit consacré aux scolaires.

Et cette ouverture va également se traduire très concrètement lors de la prochaine distribution des pass’éducation, qui donnent accès gratuitement aux collections permanentes de plus de 160 musées ou monuments nationaux,

J’ai en effet décidé de les généraliser à toute l’équipe éducative au sein de nos établissements, quand il était jusqu’à présent réservé aux seuls enseignants.

Ce sont donc 250.000 personnels supplémentaires administratifs, de direction, de santé, sociaux et d’éducation qui se verront ouvrir plus largement les portes de la culture.

En offrant à l’ensemble de nos équipes un accès régulier aux institutions culturelles, nous contribuons à faire, de l’Éducation Artistique et Culturelle, non seulement une évidence, mais une nécessité.

L’ouverture est d’ailleurs réciproque. C’est aussi celle de l’éducation nationale à l’égard des arts et de la culture.

C’est par exemple, avec la fabrique à chanson, menée en partenariat avec la SACEM, des artistes qui viennent, dans les classes, écrire des chansons avec les élèves, et les impliquer au cœur de la création.

Et cette ouverture, chère Audrey, nous allons encore la renforcer dans les mois qui viennent.

Les textes nous les avons. Les progrès, nous les constatons. Je salue les avancées, mais je connais aussi les difficultés parfois rencontrées, sur le terrain.

Oui,  trop souvent, encore, résonnent des interrogations, voire des reproches : « Est-ce qu’il n’y aurait pas plus urgent à apprendre ? Ou plus utile ? »

Pendant longtemps, nous avons refusé de céder à l’injonction de cette question de l’utilité. C’est vrai qu’elle peut être dangereuse, réductrice. Mais il faut cesser de l’éluder, car à ne pas y répondre, le risque est grand de voir, au fond, l’éducation artistique et culturelle ne concerner que ceux qui sont déjà convaincus.

Quid des autres ? Que faisons-nous ?

Je refuse que des parents d’élèves continuent à avoir le sentiment qu’il faudrait choisir entre l’insertion professionnelle ou l’éducation artistique et culturelle.

Je refuse de laisser croire à des enseignants que les fondamentaux et l’éducation artistique et culturelle sont incompatibles.

Et c’est pour cela que le troisième point de la charte est important à souligner : oui, l’éducation artistique et culturelle est aussi une éducation par l’art !

Quand vous faites du théâtre, quand vous étudiez une œuvre, quand vous découvrez l’invention de la perspective, ou quand vous rencontrez un créateur, ce sont bien les fondamentaux que vous sollicitez et que vous exercez !

Et quant à l’insertion professionnelle, si vous regardez les annonces et les offres d’emploi, n’insistent-elles pas sur la créativité, la maîtrise de la langue, et la capacité à mener des projets en commun ?

Ce sont là autant de compétences qui se cultivent tout au long du parcours d’éducation artistique et culturelle.

Ce parcours, c’est aussi la découverte de métiers. C’est, au-delà de la scène, l’importance de la création lumière et de la création sonore. C’est, au musée, le travail considérable de la médiation culturelle ou des relations avec les publics. Ce sont, dans les ateliers de décors et de costumes, des métiers d’art qui se dévoilent.

Toutes ces rencontres et ces visites offrent de nouvelles perspectives à nos élèves. Elles élargissent leurs horizons. C’est par elles que naissent des vocations. Dans ces moments de découvertes, l’avenir s’envisage avec plus de clarté.

Il ne s’agit pas, devant un spectacle de la Comédie Française au sein de la cour du palais des papes,  de se dire, « tiens, voilà des gens qui exercent des compétences importantes pour leur avenir professionnel. »

Mais quand vous voyez toutes les études et tous les travaux qui sont consacrés aux effets bénéfiques de la pratique artistique sur la réussite scolaire, vous voyez qu’il n’y a pas à choisir, et qu’il n’y a pas de dilemme cornélien ici.

Oui, il est logique de voir la Comédie Française, le ministère de la Culture et de la communication, et celui de l’Éducation Nationale, travailler ensemble !

Et ce que nous travaillons à faire advenir, ensemble, pour la démocratisation de l’éducation artistique et culturelle, c’est un besoin. Un désir.

Car comme disait Saint Exupéry, je cite : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose … si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer. »

Et voilà comment, après avoir commencé par des circulaires, j’ai le plaisir de conclure avec une citation élégante, et de témoigner ainsi des liens qui unissent, chère Audrey, nos deux ministères, et qui seront encore resserrées grâce aux conventions qui vont être signées.

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem,
ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche


Photos © Philippe Devernay / MENESR

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2 commentaires sur Discours d’Avignon sur l’Éducation artistique et culturelle

  1. Un spectateur d'Avignon attentif

    Bravo pour cette Charte, bravo pour ces mesures et surtout merci pour ces deux merveilleuses journées des ateliers de la pensée à Avignon. Je n’en ai pas perdu une miette. Les intervenants réunis par le Haut Conseil et Emmanuel Ethis étaient brillants et passionnants. C’est rare dans ce type de rencontre. Le format nous a permis de partager des tas d’expériences formidables dans la bonne humeur sur un ton très dynamique. Bravo à tous les intervenants, Alain Kerlan, Damien Malinas, Jean-Louis Fabiani, Irina Brook, Olivier Py, Béatrice Macé, Frédérique Dumas, Florian Salazar, Matthieu Protin, Christophe Miles, Gérard Camy, Nolwenn Henry, Solennel Ledu, Marie-Danièle Campion et Bernard Beignier, Eleonore e la Charrière, Jean-Luc Cavaillon, évidemment, Juliette Mant, Marianne Eshet,… les lycéens étaient trop sympas aussi. Comme l’a dit Laure Adler, “des paroles que l’on entend rarement”. J’ajouterai “une dynamique que l’on voit rarement”. Cet optimisme positif de la bande du Haut Conseil sous l’impulsion de Mr Ethis fait du bien dans ce monde morose car cela donne de l’espoir via des collectifs qui fonctionnent et qui donnent envie. Un très grand merci pour vous Mme la Ministre, votre discours est sans doute l’un des plus beaux de ce quinquennat et du quinquennat précédent. Merci pour tout cela. Et bravo à cette formidable initiatives. Un grand salut aux chevaliers des tables rondes de l’EAC.

  2. Chasseigne

    Je suis le maire d une commune Que pensez d une augmentation de plus de 100 % de une carte de transport pour les scolaires primaires secondaires en meuse Exemple de 31 euro elle passe à 85 euro L ARTICLE concerne est disponible sur mon Tweeter et aucun aménagement annonce pour le paiement ECOLE gratuite ???

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