Ce jeudi 25 août 2016, la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud Belkacem, a clos la réunion de rentrée des chefs d’établissement des trois départements de l’académie de Lyon.
A l’issue de son discours, la ministre a échangé avec les personnels d’encadrement et répondu aux questions notamment celle revenant sur les mesures de sécurité annoncée la veille.
Retrouvez ici le discours de la ministre :
Madame la rectrice, chère Françoise,
Mesdames et messieurs les Inspectrices et les Inspecteurs Généraux,
Mesdames et messieurs les Directrices et les Directeurs,
Mesdames et messieurs les secrétaires généraux,
Mesdames et messieurs les personnels de direction,
Mesdames et messieurs les Inspectrices et les Inspecteurs,
Mesdames et messieurs, en vos titres, grades et qualités,
Mesdames et messieurs,
Avant d’entamer mon propos, permettez-moi de vous dire le plaisir que je ressens d’être ici, devant les personnels d’encadrement de cette académie de Lyon et en un écrin aussi prestigieux que cette Cité internationale.
C’est chaque fois, pour moi, une émotion particulière de me retrouver ici, avec les acteurs de ce grand territoire que je connais bien et que j’ai bonheur à retrouver.
La rentrée approche à grand pas. Encore quelques jours, et, après les journées de pré-rentrées, les élèves et leurs familles reprendront le chemin de l’école, du collège, ou du lycée.
La rentrée approche, mais, pour nous, pour vous, elle est, en réalité, déjà là, depuis longtemps.
Si tout se passe bien, si les emplois du temps sont faits, les salles réparties, les classes constituées, et l’accueil assuré, c’est grâce au travail que vous avez entamé depuis plusieurs mois déjà.
Oui, la réussite de la rentrée vous doit beaucoup.
Lorsque s’ouvrent les portes et les grilles, lorsque se franchissent les seuils des établissements, lorsque les élèves et les enseignants rentrent dans les salles de classes, ils débutent leur année scolaire, mais ils viennent aussi conclure une préparation débutée bien avant.
Il en va, au fond, de la rentrée comme des podiums olympiques. Le moment contemplé par le grand public a été précédé d’un travail considérable, s’inscrivant dans le temps long, sans lequel le moment offert au regard de toutes et de tous n’existerait pas.
Je tiens donc à vous souhaiter une excellente rentrée 2016, et à vous remercier pour votre investissement, votre engagement, votre professionnalisme. Sans vous, rien ne se ferait.
D’ailleurs, en parlant d’achèvement et de conclusion, la rentrée 2016 est, vous vous en doutez, une rentrée particulière.
Particulière, car avec elle, en cette 4ème année de la Refondation, c’est un vaste mouvement entamé dès 2012 qui trouve sa conclusion. La refondation s’achève.
Conclusion. Achèvement. Voici – je l’avoue – d’étranges mots pour une rentrée. En effet, on attendrait plutôt « commencement » ou « début ». Je vous rassure, ces mots ne vont pas tarder à arriver.
Car oui, cette rentrée constitue un achèvement : mais elle ne s’y réduit pas.
Nous sommes à un moment clef. Un moment charnière. Les lois, les réformes, les textes règlementaires – tout cela est achevé. Mais le plus important reste à faire : prolonger, porter, soutenir ce vaste élan qui est celui de la Refondation, et qui passe par la mise en œuvre de l’ensemble des mesures et des réformes que nous avons prises.
Naturellement, cette mise en œuvre a déjà, pour partie, commencé. Une tâche aussi vaste et aussi ambitieuse que la Refondation ne pouvait se conduire sans avancer étape par étape.
Il y a eu les rythmes scolaires, les nouveaux programmes de maternelle, la réforme de l’éducation prioritaire et le rétablissement d’une formation initiale digne de ce nom pour nos enseignants. Et, avec cette rentrée, c’est, naturellement la réforme du collège, qui occupe votre attention.
Celle-ci a été, je le sais, préparée avec soin par les équipes de direction de cette académie, et je salue notamment le fait que vous ayez consacré une attention particulière au cycle 3.
Cette réforme a été un changement important, massif. Mais ses enjeux, notamment en termes de pédagogie, d’autonomie et de réussite des élèves, a donné, au travail mené ces derniers mois, toute leur valeur.
Soyez fiers de ce que vous avez accomplis, et heureux de l’avoir fait, et je souhaite que cet engagement se prolonge tout au long de l’année, car c’est sur le terrain que tout va se jouer. Je souhaite aussi saluer les inspectrices et les inspecteurs qui vous ont accompagné dans sa mise en œuvre.
Je suis consciente des efforts et de l’engagement que cela a demandé ; mais je suis aussi tout à fait convaincue de la nécessité des évolutions qui ont été engagées.
Grâce à elle, nous nous montrons à la hauteur de l’objectif qui est celui de l’École de la République depuis toujours : former des citoyens instruits, éduqués, cultivés et autonomes.
Nous avons désormais à notre disposition l’ensemble des leviers nécessaires pour assurer la réussite de tous nos élèves.
Des élèves qui seront capables à la fois d’être créatifs, ouverts, et rigoureux.
Des élèves qui pourront faire reposer leur existence, quelle que soit la voie dans laquelle ils s’engageront, sur un socle solide, le socle commun de connaissances de compétences et de culture.
L’École, c’est un héritage passé dont il faut prendre soin. L’École, c’est une réalité présente pour laquelle nous nous engageons. Mais l’École, c’est aussi et surtout un investissement pour l’avenir.
L’avenir de nos élèves, bien sûr, mais aussi l’avenir de notre société, et celui de notre pays.
Ne banalisons donc jamais cette institution, son rôle, et son importance. Soyons toujours reconnaissants à celles et ceux qui la font vivre au quotidien, dans les établissements, les académies, les rectorats et les administrations.
Bien sûr, ce n’est pas toujours facile. Bien sûr, il existe des difficultés. Il ne s’agit surtout pas de les méconnaître. Mais je crois aussi important de ne pas laisser la récurrence des rentrées scolaires occulter la singularité de ce lieu.
L’École a été, pendant des siècles, un combat. Elle est aujourd’hui une évidence. Mais nous ne devons pas perdre de vue qu’elle est surtout une chance.
Et je le dis avec d’autant plus de force, dans cette région qui connaît si bien l’importance de l’engagement, dans cette région où le passé, plus ou moins lointain, convoque aussi bien l’humanisme de la Renaissance qui s’exprima dans le cercle des poètes lyonnais, que le Théâtre National Populaire de Jean Vilar.
Une idée unit tout cela, une idée que l’on retrouve dans l’École, et qui s’appelle l’émancipation !
Mais derrière l’École de la République, comme derrière l’Éducation Nationale, je n’oublie pas qu’il y a des établissements bien concrets, des écoles, des collèges et des lycées, qui, tous, ont leur singularité.
La France n’est pas une vaste étendue uniforme et monotone. Ses régions, ses départements et ses villes sont variés, divers, singuliers.
Voilà pourquoi je veux souligner l’importance des personnels de direction, mais aussi saluer le soin apporté, dans le projet d’académie, à prendre en compte la diversité et la disparité des territoires qui la composent.
C’est dans nos établissements, dans nos salles de classes, que tout se joue. Votre rôle, mesdames et messieurs les personnels de direction, est absolument essentiel.
D’ailleurs, si l’École change, vos missions ont, elles aussi, évolué, pour mieux tenir compte justement de la singularité des lieux et des publics de vos établissements.
C’est, pour les équipes de directions des collèges, davantage de souplesse, davantage d’autonomie. La liberté qui vous est offerte, les marges de manœuvre existantes, je vous incite à vous en emparer pleinement.
C’est l’occasion de conduire, avec les enseignants, un travail de fond sur la pédagogie, sur la prise en compte des spécificités. Si l’Education est nationale, s’il est essentiel qu’elle le soit, notamment pour assurer une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, il est tout aussi important que chaque établissement puisse remplir les objectifs communs par des moyens qui lui sont propres.
Je tiens aussi à souligner que ce qui fait la force de nos établissements, ce sont les femmes et les hommes qui y travaillent. En tant que chefs d’établissement, vous devez être, naturellement, un élément moteur, entraînant, mais aussi valoriser l’engagement de vos enseignants, leurs innovations et leurs réussites.
Vous avez, pour ce faire, avec les IMP comme demain dans le cadre des nouveaux parcours de carrière, des nouvelles modalités pour le faire. Votre reconnaissance de l’engagement de nos personnels, la conduite de votre rôle d’évaluation, avec les inspectrices et les inspecteurs, sont extrêmement importants.
A travers vous, c’est l’institution tout entière qui témoigne, à ses professeurs, à leur engagement, la reconnaissance qu’ils méritent. Mais je tiens aussi à souligner que la reconnaissance qui vous est due n’est pas oubliée.
Qu’il s’agisse, notamment, de la prise en compte de votre rôle de formateurs pour les personnels de direction en stage. Ainsi, les recteurs ont reçu l’instruction de valoriser financièrement cette mission trop souvent méconnue. Ou plus globalement de la revalorisation de votre profession que je souhaite traduire dans le cadre des discussions du PPCR menées avec vos représentants Je souhaite aussi que votre expérience de terrain soit écoutée par toutes les autorités. . C’est déjà le cas, naturellement, au niveau académique, avec le groupe académique des personnels de direction.
Et ce sera le cas demain au niveau national : nous avons en effet, en accord avec vos organisations syndicales, créé un groupe national des personnels de direction. Et la ministre que je suis sera très heureuse de pouvoir profiter des conseils des experts de terrain que vous êtes !
La pertinence de votre regard se retrouve d’ailleurs dans celles de vos demandes, et je pense notamment à la mise à jour de la Charte des pratiques de pilotage. Celle-ci, mise en place il y a 10 ans, doit en effet être clarifiée et actualisée, et un travail sera lancé dès l’automne sur ce sujet avec vos représentants.
Acteurs clefs du terrain, votre rôle auprès des personnels comme des familles est absolument central. Votre établissement n’est pas qu’un lieu où se transmettent les savoirs.
C’est aussi un lieu de vie, avec tout ce que cela implique, et avec, aussi, une gravité nouvelle, dans la situation que nous connaissons.
Je parlais de l’École comme d’une chance à défendre. Ce mot, « défendre », a pris, depuis janvier 2015, un sens particulièrement fort.
Le contexte, nous le connaissons. La gravité de la situation, nous la mesurons. L’urgence, nous la ressentons.
Voilà pourquoi je tiens à insister sur ce point : la sécurité est une priorité.
Et en disant cela, je ne prétends pas en faire le cœur de métier de l’ensemble de nos personnels. Je n’oublie pas que les réponses aux crises que nous traversons passent aussi par les connaissances, les valeurs, la culture et l’engagement.
Mais je n’oublie pas non plus, même si c’est un fait parfois méconnu du grand public, que vous êtes, en tant que personnels de direction, représentants de l’Etat.
La sécurité est, pour chacune et chacun de nos concitoyennes et nos concitoyens, un droit ; elle est, pour l’Etat, un devoir.
Je ne reviendrai pas sur les différentes mesures que nous avons présenté hier avec Bernard Cazeneuve, mais permettez-moi d’insister, d’une part, sur la nécessaire information des familles, et, d’autres part, sur le travail particulier que demande le Plan Particulier de Mise en Sûreté ainsi que les exercices.
Les familles nous confient leurs enfants : elles ont le droit d’être informées, et nous devons prendre soin d’expliquer aux parents les mesures qui sont prises, les exercices qui seront réalisés. Informer, dans un tel contexte, c’est aussi rassurer.
Je compte sur vous également pour insister sur le fait qu’aux mesures propres aux établissements, s’ajoutent naturellement tout un travail conduit par le ministère de l’intérieur, notamment en termes de renforcement de la surveillance des établissements scolaires.
Dans ce domaine, l’académie de Lyon a une histoire, un vécu douloureux. Je pense à l’attentat qui, le 7 septembre 1995 dans l’après-midi, avait fait 14 blessés. C’était devant l’école juive de Lyon située à Villeurbanne, et cela aurait pu s’avérer bien plus tragique. Nous savons ce qu’il en fut le 19 mars 2012 à Toulouse.
L’équilibre, je le sais, est périlleux. Nous devons, en effet, éviter deux écueils – celui de la paranoïa et celui de l’imprévoyance – pour instaurer une vigilance sereine.
De la lucidité, de la rigueur, de la mesure : voici ce que l’époque exige de chacune et de chacun d’entre nous. J’ai d’ailleurs été, madame la rectrice, sensible à votre insistance sur l’école inclusive et sur la question des valeurs de la République.
Il est en effet essentiel, devant les périls qui nous menacent, d’avoir une réponse cohérente.
La cohérence, c’est affronter la complexité et la réalité d’une situation, sans jamais tomber dans le piège de la simplification.
La cohérence, c’est développer un volet sécuritaire conséquent sans jamais négliger l’éducation, et en particulier la formation du citoyen.
Il n’y a pas à choisir entre une réponse exclusivement sécuritaire et une réponse uniquement éducative. Les deux sont importantes et elles doivent toujours aller de pair.
Voilà pourquoi, aux lendemains des attentats de janvier 2015, j’ai voulu que soit lancée une grande mobilisation de l’École pour défendre les valeurs de la République.
Voilà pourquoi nous continuons encore, à travers le parcours citoyen, à redonner, à l’éducation à la citoyenneté, la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre.
Alors, bien sûr, l’École ne peut pas tout. Ne faisons pas peser sur ses enseignants et ses personnels une trop lourde responsabilité. Elle n’a ni remède miracle, ni formule magique. Mais elle peut beaucoup.
A l’ignorance, elle oppose le savoir ; à la propagande, l’esprit critique ; à la barbarie, nos valeurs républicaines et humanistes. Et c’est là, me semble-t-il, sa grande force, et cette force de l’École vient, tout simplement, de l’ensemble de ses personnels, et de chacune et de chacun d’entre vous.
Je vous souhaite donc à toutes et à tous, une excellente rentrée 2016, et je tiens à vous remercier de votre engagement quotidien pour notre jeunesse, pour nos élèves, et pour notre École.
Je vous remercie.
Najat Vallaud-Belkacem,
Ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Photo © Philippe Devernay / MENESR
Tags : chefs d'étblissements, sécurité, école
Sur le même sujet
- Discours aux inspecteurs et personnels de direction en formation à l’ÉSÉNESR
- Lire et Écrire au CP – Discours de Najat Vallaud-Belkacem à l’IFÉ – ENS de Lyon
- Apprentissage : premier séminaire dédié de l’encadrement de l’Éducation nationale
Bla, bla, bla.
De la com’, et une casse du service public avec une réforme du collège dans la droite ligne de celle du lycée de Chatel, en pire…
Rendez-vous en mai 2017 !
Un discours riche et instructeur car résume en lui seul le rôle combien salvateur que l’école est sensé jouer dans la République. La France est un pays de vieilles civilisations et de vieux peuples et qui a atteint le niveau de développement actuel grâce a des citoyens qui avaient compris les devoirs qui sont les leurs vis a vis leur mère patrie. Il s’agit, sans doute, d’une synergie d’efforts partagés par des citoyens éduqués et formés aux défis de leur pays, la France. Les époques passent,la France demeure mais doit faire face parfois a de nouveaux défis de développement.De ces défis figurent incontestablement la question du terrorisme,la préservation de la laïcité dans la République,la cosmopolisation de la société française, comment concilier la diversité cultuelle et le renforcement des valeurs du pays, mais de prévention de dérives sectaires et communautaires, Bref autant de questions qui relèvent de questions de souveraineté pour la France et aux quels des stratégies adaptées sont autant nécessaires.Il va, sans dire que le rôle de l’école dans ce processus devra être déterminant pour instruire et faire converger les Tout-petits vers un idéal de conscience républicaine envers la quelle chaque français en dépit de sa différence et de ses convictions, aura le devoir de préservation.
Néanmoins,cela ne doit pas occulter l’une des missions régaliennes de l’État qui est la sécurisation de ces citoyens y compris par l’usage de la force.