“Écologiste, je l’ai toujours été” – Najat Vallaud-Belkacem à L’Obs

Najat Vallaud-Belkacem - Photo Audoin Desforges pour l'Obs.

Pour l’ex-ministre socialiste, candidate aux élections régionales en Auvergne Rhône-Alpes, le combat écologique et celui pour les droits des femmes sont intimement liés. Nous avons calculé son empreinte carbone.

Par Sébastien Billard pour L’Obs. Photo Audoin Desforges pour L’Obs.

Gaël Giraud, Bruno Latour… Quand on l’interroge sur les figures de l’écologie et les lectures qui l’ont marquée ou qui l’inspirent, Najat Valkaud-Belkacem commence par égrener les noms de ces deux nouvelles coqueluches d’une partie de la gauche et des milieux écologistes. Le premier, économiste, est, dit-on, très courtisé et réputé proche d’Arnaud Montebourg. Le deuxième, sociologue et philosophe, est devenu une référence intellectuelle incontournable dans le champ écologique depuis la parution de son livre « Où atterrir ? ». L’ancienne ministre convoque ensuite un autre nom, beaucoup plus inattendu : celui d’Erin Brockovich, cette Américaine qui a affronté dans les années 1990, « seule contre tous », la compagnie Pacific Gas & Electric, coupable de rejets toxiques à Hinkley, en Californie. Un combat porté à l’écran par Steven Soderbergh, incarné par Julia Roberts, et qui a profondément « marqué » la socialiste, en raison de sa double dimension « à la fois féministe et écologiste ».

Najat Vallaud-Belkacem voit de nombreux parallèles entre le combat pour l’environnement et celui pour les droits des femmes. Notamment parce que « les femmes sont les premières victimes, et les plus nombreuses, des dérèglements du climat ». Dans « la Société des vulnérables », un court essai qu’elle a publié avec la philosophe Sandra Laugier, elle livre quelques chiffres forts, qui donnent la mesure de ces disparités entre hommes et femmes :

« Les trois quarts des victimes du tsunami de 2004 en Indonésie étaient des femmes, parce qu’on ne leur avait pas appris à nager et à grimper aux arbres – des compétences qui ne sont enseignées qu’aux garçons – ou qu’elles portaient des vêtements qui limitaient leur mobilité. L’ouragan Katrina qui a ravagé la Nouvelle-Orléans en 2005 a touché d’abord les femmes afro-américaines et leurs enfants. En 1991, le cyclone au Bangladesh a tué 140 000 personnes : dans la classe d’âge 20-44 ans, le taux de mortalité des femmes était de 71 pour 1 000 contre 15 pour 1 000 chez les hommes. »

Femmes et environnement ont, écrit-elle, un point commun : ils sont affectés d’une même invisibilité. « Non seulement les femmes souffrent et souffriront plus de la crise climatique mais, en ne tenant pas compte de leur expertise et de leur capacité de leadership et en négligeant les situations de domination et de vulnérabilité extrême des femmes dites du Sud, ou du reste du monde, on se prive de moyens de réussir à surmonter cette crise. »

Son rapport à l’écologie

Ecologiste, Najat Vallaud-Belkacem affirme l’avoir toujours été, de par son éducation et son origine sociale. « J’ai grandi à la campagne – ce qui implique un certain rapport aux saisons, aux plantes, aux animaux – et dans un milieu modeste, dans lequel on n’avait pas d’autre choix que de faire attention à notre consommation – on ne pouvait pas se permettre de gaspiller quoi que ce soit », raconte l’ancienne ministre de l’Education, qui préside aujourd’hui l’ONG One, qui lutte contre l’extrême pauvreté et les maladies évitables.

Cette enfance, passée en partie au Maroc, lui a donné très tôt des « réflexes écologiques qui sont restés profondément ancrés ». Renforcés par la naissance de ses deux enfants, en 2008. « Quand on devient parent, notre conscience écologique s’aiguise nécessairement. Qu’est-ce qu’on leur donne à manger ?”, “Quel air ils respirent ?, Est-ce que ce produit n’est pas un danger pour eux ?… Ces questions, on se les pose en permanence, souligne-t-elle.

Puis, quand ils grandissent, ils deviennent à leur tour des ambassadeurs de l’écologie – ma fille est écodéléguée de son collège – et ce sont eux qui désormais nous font parfois la leçon ! »

Alors que l’écologie est régulièrement accusée par ses adversaires les plus farouches d’être hostile aux plus précaires, Najat Vallaud-Belkacem estime que la question sociale et la question écologique sont au contraire profondément imbriquées. « Les dysfonctionnements écologiques découlent directement des injustices sociales. C’est parce que nous avons laissé se creuser ces inégalités crasses, invraisemblables, que nous en arrivons à vivre dans une société de la prédation et de la négligence. Du toujours plus pour quelques-uns au prix de l’asservissement de tant d’autres, et de la destruction de nos écosystèmes qui lèse toujours d’abord les plus pauvres ». « Il n’y aura pas de société respectueuse de l’environnement sans réduction des inégalités sociales », défend cette partisane d’une « société du care ».

Pour faire advenir une société écologique, la socialiste croit davantage dans le rôle des pouvoirs publics qu’à la seule responsabilité individuelle. « Même si nous sommes héroïques, nos gestes écolos n’auront au mieux qu’un impact sur 20 % du problème, explique celle qui vient de se lancer dans la course pour les élections régionales en Auvergne – Rhônes Alpes. Le problème est systémique : il vient de l’organisation de notre industrie, de notre aménagement du territoire, de nos transports collectifs, nos logements ». A l’Etat, donc, d’agir. Mais pas seulement. « Les collectivités locales peuvent faire aussi beaucoup, plaide la candidate. « Une Région a des compétences importantes en matière de politique économique et de transport, et a donc entre ses mains soit de l’or soit du plomb suivant ce qu’elle choisit d’en faire ». Si elle l’emporte, elle promet de « développer le train à hydrogène », de « construire des logements bien isolés », d’« accompagner les agriculteurs vers l’agroécologie », de « développer la part du bio ». Mais aussi d’installer un « Parlement climatique régional » qui réunira citoyens, scientifiques et associations, et doté d’un pouvoir contraignant. Sa mission :

« Veiller à ce que toutes les grandes questions écologiques soient prises en compte dans nos politiques publiques. En faire le cadre général de toute notre action pour l’emploi, la vie quotidienne, les nouvelles protections sanitaires et sociales. »

Extrait de l’article Najat Vallaud-Belkacem émet 7,1 tonnes d’équivalent CO2 par an. Découvrez comment.

Par Sébastien Billard pour L’Obs. Photo Audoin Desforges pour L’Obs.
Publié le 28 avril 2021 à 15h06

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