Migrants : 25 000 disparus en Méditerranée…

Presse France terre d'asile ONE Publié le 31 janvier 2023

25 000. C’est le nombre insoutenable de personnes qui ont péri en Méditerranée depuis 2014, selon un récent rapport de l’Organisation internationale pour les migrations.
par Najat Vallaud-Belkacem, directrice France de ONE, présidente de France terre d’asile, publié le 30 janvier 2023

Comment en est-on arrivé là ? L’Union européenne ne soutient aucune opération de recherche et de sauvetage en Méditerranée, laissant de facto cette responsabilité aux seuls Etats membres frontaliers et aux ONG. Suite à l’arrêt du programme Mare Nostrum, coordonné par l’Italie entre 2013 et 2014 et qui avait permis de sauver plus de 166 000 personnes, l’Union n’a déployé que des missions militaires ou des opérations de Frontex, l’agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes, qui visent à démanteler les réseaux de trafiquants, et non à sauver des vies.

Les Etats ont le devoir de prêter assistance aux personnes en détresse en mer en vertu du droit maritime international, pourtant ces derniers se dédouanent toujours plus de leurs responsabilités. Au lieu de protéger et de promouvoir le respect des droits humains, les pays de l’Union européenne en première ligne s’évertuent à mettre en œuvre des politiques migratoires de plus en plus sécuritaires, non seulement envers les personnes migrantes mais également vis-à-vis des ONG qui les assistent. Derniers exemples en Grèce, où 24 humanitaires sont accusés de trafic de migrants vers l’Europe – ou encore en Italie, où un récent décret limite la capacité des ONG à porter secours aux exilés en détresse en mer.

Développer les voies légales

En parallèle, l’Europe axe sa coopération avec les pays tiers sur l’objectif d’empêcher les départs depuis les côtes africaines plutôt que sur le sauvetage en mer. Pire, les accords conclus directement ou indirectement avec la Turquie ou la Libye continuent d’entraîner des renvois sommaires de plusieurs milliers de personnes en besoin de protection vers des pays où les droits humains sont bafoués, en violation du principe de non-refoulement, et ce avec le concours de Frontex.

Comment, alors, mettre fin aux tragédies en Méditerranée ? Depuis des années, les ONG, dont «France terre d’asile», ne cessent de le répéter : il faut développer des voies légales et sécurisées de migration et renforcer la coopération euroméditerranéenne, dans une approche équilibrée.

Entre-temps, il est indispensable que l’Union européenne assume ses responsabilités, soutienne les opérations de recherche et de sauvetage coordonnées par les Etats membres, et place les secours en mer au cœur du mandat de Frontex.

Timides accords temporaires

D’autres crises comme l’Ocean Viking sont à craindre. Les Etats membres doivent donc se doter, sans plus attendre, d’un mécanisme pérenne de débarquement dans un port sûr et d’un vrai système de répartition solidaire, au-delà des timides accords temporaires déjà adoptés.

Alors que plusieurs textes qui abordent ces enjeux majeurs sont en cours de négociation dans le cadre du Pacte européen sur la migration et l’asile, il est temps que les États membres sortent de l’indifférence et mettent un terme aux drames humains qui se jouent en Méditerranée. Nos enfants nous regardent, et nous jugeront sévèrement.

Tribune pour le journal Libération.