La droite française et… le droit européen.

Éditos Publié le 16 septembre 2010

“J’ai été personnellement interpellée par des circonstances qui donnent l’impression que des personnes sont renvoyées d’un Etat membre (de l’Union européenne) juste parce qu’elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l’Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la deuxième guerre mondiale”.

Ces phrases sont redoutables. D’autant qu’elles ne sont pas, cette fois-ci, celles d’une association de défense des droits de l’homme, d’un homme politique ou même d’une nouvelle commission des Nations Unies. Ceux-là, le gouvernement les avaient ignorés : l’association est trop exaltée, les politiciens sont vite égarés et les commissions de l’ONU s’appellent « Théodule » dans ce genre de circonstance. Non ces phrases représentent la position longuement mûrie d’une institution, la Commission européenne, dont la mission et la raison d’être est précisément d’éviter que les situations de la deuxième guerre mondiale ne se reproduisent, une institution que la France n’a eu de cesse de renforcer depuis 60 ans, une institution qui a eu ces derniers jours des échanges approfondis avec des membres du gouvernement français pour examiner la régularité des actions conduites cet été à l’égard des gens du voyage. Cette institution là est bien informée. Elle est crédible. Elle est un des piliers non négligeable de ce qui forme notre Etat de droit. Le gouvernement français, ni personne, ne peut l’ignorer.

La Commission européenne a donc décidé d’envisager une procédure d’infraction de notre pays. Celui-ci a le mauvais goût de hausser le ton, comme le feraient un enfant pris en flagrant délit de mensonge. Pierre Lellouche évoque un « dérapage ». Benoît Apparu indique que la « Commission est allée trop loin ». La vérité est que, comme l’indique la commissaire du gouvernement français dans cette affaire, les mensonges de ces derniers mois constitue un « déshonneur » pour notre pays.

La Commission ne va ni trop loin, ni trop tôt. Elle est même plutôt en retard. Cela fait plusieurs semaines qu’il est patent que le gouvernement français a une pratique contraire aux textes fondateurs de l’Union, et il est grand temps que la Commission, gardienne des traités, s’y intéresse. De quoi s’agit-il ?

L’article 19 de la charte européenne des droits fondamentaux prévoit que « les expulsions collectives sont interdites. » Le gouvernement français fait valoir qu’il n’a pas pris de mesures collectives mais examiné individuellement les situations individuelles. Comment le croire quand les expulsions sont la conséquence directe d’un acte collectif qui est le démontage d’un camp accueillant des gens du voyage. Dans un arrêt 5 février 2002, la cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme a considéré qu’il faut entendre par “expulsion collective” “toute mesure contraignant des étrangers, en tant que groupe, à quitter un pays, sauf dans les cas où une telle mesure est prise à l’issue et sur la base d’un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun des étrangers qui forment le groupe.” Dans cet arrêt, qui concerne l’éloignement de personnes déboutées du droit d’asile, la Cour considère que l’examen de la situation particulière “ne signifie pas pour autant que là où cette dernière condition est remplie, les circonstances entourant la mise en œuvre de décisions d’expulsion ne jouent plus aucun rôle dans l’appréciation du respect des (droits de l’homme)”.

« Ces doutes se trouvent renforcés par un ensemble de circonstances telles que le fait que préalablement à l’opération litigieuse les instances politiques responsables avaient annoncé des opérations de ce genre et donné des instructions à l’administration compétente en vue de leur réalisation ». Comment dire alors que la circulaire du mois d’août est sans incidence sur le respect des droits fondamentaux ? C’est une question que la Commission a le droit, et même le devoir de poser au gouvernement français. Il est grand temps !

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2 commentaires sur La droite française et… le droit européen.

  1. Henri

    Bonjour

    Que dit le Traité de Lisbonne et “l’accord” français concernant l’accueil des ROMS, déclinaison de directive ?

    européens mais avec des restrictions : travail presque impossible à obtenir en France et expulsion garantie ?

  2. Cécile

    oui comme tu le dis si bien, il est grand temps !
    encore que cela soit un peu tardif… tout ça fait froid dans le dos, je me souviens de ce que me racontait ma grand-mère maternelle, au sujet de la seconde guerre mondiale, pas si lointaine .. des dénonciations immondes, de la lâcheté, de la peur, de l’ignorance, etc… , et tout ce qui suivi , sombre période comme un tombeau, et tout ça me glace le sang. à nouveau.

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