Raí est quelqu’un d’exceptionnel – Entretien à l’Équipe

Sports Publié le 17 juin 2014

En visite officielle au Brésil, Najat Vallaud-Belkacem, ministre en charge de la Ville et des Sports a accordé un entretien au journal l’Équipe à l’occasion du début de la Coupe du Mondelors de sa visite de Gol de Letra, la fondation de Raí, située dans un quartier défavorisé de São Paulo.

Retrouvez ici cet entretien publié sur le blog de l’Équipe consacré à la Coupe du Monde :

(…) Avec toute la simplicité qui la caractérise, la ministre a pleinement profité de la matinée.
D’abord sur la réserve, elle s’est ensuite essayée à la capoeira avec les enfants de l’association. Après avoir dansé et joué du tambourin, NVB a pris du temps pour nous parler. Sans jamais se départir de son immense sourire. C’était juste avant une petite partie de basket avec Raí, pour clore la visite. L’ancien capitaine du PSG, qui s’est aussi confié à nous par ailleurs, était ravi : « ça me touche énormément qu’un membre du gouvernement français vienne s’intéresser de près à ce qu’on fait ici. » Il n’était visiblement pas le seul.

Madame la ministre, connaissiez-vous Gol de Letra avant de venir au Brésil ?

J’en avais beaucoup entendu parler. Notamment parce que je soutiens fortement « Sport dans la ville », une association française très implantée à Lyon, jumelle de Gol de Letra, qui vise à insérer les jeunes par la pratique du sport. Des liens existent depuis des années entre les deux associations. Je trouve l’association Gol de Letra assez bluffante : c’est de l’innovation sociale telle qu’on l’aime. Des acteurs de terrain, qui font preuve d’imagination, d’engagement, pour répondre aux problématiques de nos sociétés. Au Brésil, l’une des problématiques, c’est l’éducation. Gol de Letra accueille des enfants tous les jours, plusieurs heures, leur donne un cadre éducatif, leur apprend des valeurs, les aide à se dépasser, à acquérir le goût de l’effort… Je trouve tout cela formidable. Le sport est un incroyable outil éducatif pour ça. Les valeurs qu’il véhicule sont extrêmement utiles dans la vie.

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Najat Vallaud-Belkacem, détendue et souriante, lors d’une démonstration de capoeira (photo Benjamin Henry)

Que pensez-vous de votre visite à l’association ?

C’est un immense plaisir de voir les yeux de tous ces enfants qui brillent. La phrase peut paraître banale, mais tout n’est pas fait dans ce monde pour que les yeux des enfants brillent. Donc quand je vois qu’une association comme celle-là, qui essaye de joindre les deux bouts en permanence, de lever des fonds, de convaincre, permettre à des enfants de se rencontrer, d’être mis en confiance, d’acquérir un vrai savoir faire… ça me fait forcément plaisir.

Et vous avez été reçue par Raí en personne…

C’est un moment unique de pouvoir échanger avec Raí (elle sourit). Les Français de ma génération gardent tous en mémoire cet incroyable joueur, ce champion. C’est complètement dingue de trouver en lui un homme d’une si grande simplicité. Il parle formidablement bien notre langue. Il est d’une grande générosité, il prend le temps d’expliquer ce qu’il fait… Parfois, certaines « stars » prêtent leur nom à des associations. Mais ces personnes-là ne sont que des « prête-noms ». Et puis, de temps en temps, vous tombez sur des gens exceptionnels. Des gens qui font plus que parrainer l’association. Des gens qui la vivent, qui la défendent, qui y croient… Et c’est le cas de Raí. C’est tellement bon de voir des gens comme lui…

Vous êtes ici pour plusieurs jours. Comment trouvez-vous le Brésil ?

C’est la première fois que je viens dans ce pays. J’en rêvais depuis toute petite, donc j’avoue que je savoure un petit peu. Avec cette Coupe du Monde, c’est un moment forcément très spécial. Il y a des mouvements sociaux. On l’a vu lors du match d’ouverture, au stade, lorsque Dilma Roussef a été sifflée. C’était un moment compliqué. Sinon, la population est très charmante, j’ai été très bien accueillie. Ce voyage est aussi l’occasion pour nous d’enrichir notre partenariat avec le Brésil. Le Président de la République François Hollande était venu en décembre dernier, et avait dit son souhait que les deux pays se rapprochent. Je vais mettre cela en application.

Et la Coupe du Monde, alors ?

On a vu des mouvements sociaux, on a vu des Brésiliens revendiquer, légitimement d’ailleurs, des choses aux autorités. On s’est demandé jusqu’au bout s’ils seraient prêts à temps. Lors du match Brésil – Croatie, auquel j’ai assisté, je peux vous dire que la ferveur et l’enthousiasme populaire étaient au rendez-vous. Partout, dans São Paulo, je voyais des gens en jaune et vert, aux couleurs du Brésil. Il va se passer quelque chose pendant ce Mondial. Quelque chose de fort. C’est un rendez-vous unique et très attendu dans le monde entier.

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Vous êtes aussi venue soutenir les joueurs français. Qu’avez-vous à leur dire ?

Je veux leur dire d’avoir confiance en eux-mêmes. Je pense que la performance résulte de la confiance en soi. Ils ont un collectif fort, qui leur permet de s’appuyer les uns sur les autres. Les Français croient en eux, et sont tous derrière cette équipe. Tout le monde espère qu’ils iront très, très loin.

Un mot pour leur sélectionneur ?

Si je dois adresser un message à Didier Deschamps, ce sera un message de remerciements. Honnêtement, il a déjà fait beaucoup pour la sélection, en instaurant un superbe état d’esprit. Je le pense sincèrement. Ce n’était pas simple. On a dû tourner la page d’un épisode pas si lointain, où les choses se sont mal passées (Knysna 2010, NDLR). Les joueurs qui composent l’équipe aujourd’hui sont humbles et ont conscience de l’honneur qui leur est fait de porter les couleurs de la France. Il sont solidaires les uns des autres. J’ai bien aimé leurs réactions lorsque, malheureusement, Ribéry et Grenier ont dû déclarer forfait. On a senti un vrai esprit de groupe, une belle cohésion. Ce sont des signaux très encourageants. Le climat est vraiment positif. On n’a qu’une seule envie : qu’ils nous fassent rêver.

Que peuvent espérer les Bleus ?

Tout est bon à prendre. Le plus important pour eux était d’emporter l’adhésion des supporters. Ils l’ont fait. Cette génération est jeune, elle peut faire quelque chose de grand. Il ne faut pas oublier qu’il y a l’Euro 2016, à la maison, qui se profile derrière. C’est une très bonne chose de voir l’équipe de France sur une si belle dynamique. Je sais qu’il sera compliqué de reproduire un 8-0, comme on l’a vu contre la Jamaïque, lors du Mondial. Mais vraiment, les joueurs doivent savoir qu’ils ont toutes les cartes en main, aujourd’hui, pour surprendre et aller au bout. Il faut avoir des rêves très grands, pour ne jamais les perdre de vue lorsqu’on les poursuit. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Oscar Wilde !

Que peut apprendre la France du Brésil ?

J’ai profité de mon déplacement ici afin de rencontrer mes homologues en charge des sports, mais aussi les autorités locales, à São Paulo ou Porto Alegre. Je prends des renseignements sur l’organisation, l’accueil des sportifs… Il y a les Jeux Olympiques à Rio de Janeiro, 2 ans après le Mondial. Il se trouve que nous accueillons l’Euro 2016 la même année, et nous sommes aussi en train de sérieusement étudier l’idée d’une candidature de Paris aux JO 2024. Donc on a beaucoup de choses à partager avec le Brésil. On ne peut que s’enrichir de leur expérience. C’est un sacré défi pour eux d’organiser ce Mondial, et je pense qu’on a énormément à en apprendre.


Propos recueillis par Hugo Guillemet, à São Paulo.
Photos © Benjamin Henry

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