“Il nous faut un sursaut” – Entretien au Parisien

Éducation nationale Publié le 15 janvier 2015

Najat Vallaud-Belkacem a accordé un entretien au Parisien pour faire un point d'étape, ce jeudi 15 janvier 2015, sur la grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République, initiée à la suite des attentats commis les 7,8 et 9 janvier.

Retrouvez ici l’entretien publié par le journal Le Parisien / Aujourd’hui en France.

Pourquoi ne vous êtes-vous pas exprimée publiquement avant aujourd’hui sur ce phénomène?

Je me suis adressée à tous les enseignants avant la minute de silence pour les engager à accompagner les élèves et les assurer de mon soutien. J’ai mobilisé la communauté éducative, avec des consultations entamées lundi matin. Avec le Premier ministre, nous avons réuni les recteurs. Il faut savoir prendre le temps de l’écoute et de l’analyse. C’est un sursaut qu’il nous faut, cela ne se fera qu’en emmenant tous les acteurs de l’école.

Cela fait des années que les enseignants constatent la montée des communautarismes. Pourquoi l’école est-elle si impuissante?

Elle n’est pas impuissante, elle a aussi produit la mobilisation historique du 11 janvier ! Reconnaître les problèmes, et ils sont graves, ce n’est pas abdiquer l’ambition de l’école. Nous faisons le contraire avec la Refondation de l’École et les moyens que nous lui donnons depuis 2012, et j’irai encore plus loin avec cette mobilisation sur les valeurs républicaines. Après, n’exigeons pas de l’école qu’elle règle tous les problèmes de la société. Surtout, sachons prendre chacun, élus, médias, parents, citoyens, notre part de responsabilité collective.

Que peut répondre un prof, à qui ses élèves demandent: “pourquoi Dieudonné a-t-il été condamné par la justice et pas Charlie Hebdo”?

L’incitation à la haine, c’est un délit. A l’inverse, le délit de blasphème n’existe pas en France. La laïcité nous protège. C’est un concept complexe à expliquer aux plus jeunes, c’est pour cela qu’on ne peut pas se contenter d’un cours théorique sur le sujet. C’est l’esprit de la laïcité qu’il faut faire pratiquer au quotidien aux élèves : liberté de jugement, esprit critique, débat contradictoire etc.

Les enseignants vont-ils être davantage formés aux débats sur la laïcité?

Oui. Il faut que les enseignants soient mieux formés, en initial mais aussi en continu, et qu’ils soient plus épaulés par des professionnels aguerris en cas de besoin.

Quelles mesures allez-vous  prendre?

Je veux éviter les effets d’annonce sans lendemain. Il doit y avoir un avant et un après. J’ai indiqué mes axes de travail : laïcité, enseignement moral et civique, lutte contre le déterminisme social, contre le décrochage scolaire, renforcement de la maîtrise du français, mobilisation de l’éducation populaire… Les pistes sont nombreuses. Elles doivent surtout s’inscrire dans la durée.

En tant que femme politique issue de l’immigration, qu’avez-vous à dire à ces jeunes qui ne se sentent pas français?

Que la République et ses valeurs sont leur meilleure chance, leur meilleure protection, même si elles leur paraissent parfois éloignées de leur quotidien. La République, c’est d’abord le patrimoine, le moteur et le motif d’espoir des plus fragiles. Là est d’ailleurs notre défi essentiel : redonner une cohérence entre nos valeurs et les réalités vécues par l’ensemble de nos concitoyens.

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6 commentaires sur “Il nous faut un sursaut” – Entretien au Parisien

  1. Nicolas

    Je souhaite simplement appuyer le commentaire de Gilles (n°2) qui comporte d’excellentes propositions et dont la conclusion et le ton me paraissent remarquables.
    En ces temps d’incompréhension totale entre les uns et les autres, nous devons éviter le piège des malentendus. Ça ne peut passer que par un dialogue patient et compréhensif, même face aux arguments qui nous paraissent les plus choquants. Et la mission de l’école, au-delà de l’enseignement, est de construire la capacité de chacun a vivre ensemble, et donc à se comprendre.
    Il faut aussi travailler à valoriser tous les domaines et disciplines pour faire reculer l’exclusion, y compris les travaux et arts manuels.

    Félicitations pour cette réflexion qui doit prendre le temps qu’il faudra pour être a la hauteur des enjeux.

  2. Guy

    Concernant “Charlie” il me parait évident de souligner avec force que les caricatures de Charlie-Hebdo ne sont pas contre Mahomet lui-même mais bien contre l’intégrisme islamique seulement. Contre les jihadistes qui salissent Mahomet en décapitant des innocents ou en les tuant avec des bombes ou des kalachnikov.
    Ce sont les intégristes qui ont détourné les caricatures de leur sens premier.

  3. Gilles

    * Évaluations anonymes des profs et du personnel d’encadrement par les élèves sur les aspects relationnels et pédagogique.
    * Meilleur formation des maîtres et enseignants au dialogue et à l’interaction à partir de l’expérience des maîtres et professeurs qui réussissent particulièrement bien dans ce domaine.
    * Les maîtres et profs qui maîtrisent mal le relationnel doivent être détectés et aidés.
    * Enseignements liés à l’origine des élèves (langue, histoire, géographie, économie) -> valorisation de ce qui distingue l’élève culturellement.
    * Plus de porosité entre école et société civile -> De nombreux retraités sont prêts à s’investir dans l’école sur des sujets très divers. Un vivier inexploité et une médiation qui pourrait s’avérer très fructueuse.
    * Modulation des horaires et des contenus en fonction du potentiel des élèves -> arrêt du nivellement par les extrêmes.
    * Dispense de matières à ceux qui pratiquent déjà intensivement ->. langues vivantes, musique, sport, etc.
    * Responsabilisation maximale des enfants à tous les niveaux -> organisation des cours, cantine, règlement, sanctions, sorties, recrutement, etc.
    * Intervention de projets liés au virtuel pour l’enseignement de certaines matières -> création de blogs, fabrication d’ordinateurs, traduction de logiciels de jeux, construction d’un robot en vue d’un tournoi interclasse, etc.
    * Présence de parents volontaires pendant les cours ou évaluations filmées pendant une période déterminée dans les deux cas et débat collectif pour analyser tout ce qui s’est passé
    * Revisiter l’échelle des sanctions qui est dépassée et injuste. La sanction consacre un échec de la méthode. Il faut remettre cela en question
    * Les personnalités à problème doivent être plus rapidement détectées et une collaboration services sociaux-école-parents doit se mettre en place sans attendre.
    * Faire intervenir les parents d’élèves d’origines étrangères sur des projets les impliquant -> journée du Mali, semaine du Cambodge, découverte de l’école en Inde, etc.
    En bref, l’école doit s’enrichir de la diversité et non chercher à niveler par l’uniformité. Ceci avec le concours de tous dans un esprit d’ouverture de compréhension et d’écoute. Faites confiance à l’immense bonne volonté de tous les intervenants.
    Bon courage face à ce magnifique défi, qui est décisif pour notre jeunesse et son avenir.

  4. Nicky

    bonjour Madame, dans les zones dites “sensibles” où même les enfants n’ayant pas de difficultés (scolaires-comportement) doivent impérativement regagner l’établissement (collège) le plus proche sont à plus où moins longue échéance “lourdement sanctionnés” car le niveau est souvent très faible
    il y a dans ce domaine des aménagements a effectuer merci Madame la Ministre de m’avoir lu pensées amicales Nicky

  5. Virginie

    Le renforcement des cours d’histoire sans tabou est également capital. Car c’est l’apprentissage du passé qui permet de comprendre le présent et de construire l’avenir. Je me rends compte au travers de ces derniers événements que la plus part des amalgames ou stéréotypes non compris, du type “les juifs sont riches” sont liés à la méconnaissance de l’histoire des pays et de leurs civilisations.

  6. Jean-Claude

    Bonjour,
    Mettre fin aux classes surchargées et aux enseignants débutants parachutés dans des établissements difficiles est une absolue nécessité. J’imagine la difficulté de trouver les moyens pour le faire mais il le faut.

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