Alors que le Covid a rappelé le primat de la vie sur l'économie, Najat Vallaud-Belkacem appelle à la cohérence pour que l'aide publique au développement représente enfin 0,70% de notre PIB. Elle participera aux journées Solutions Solidaires dont Libération est partenaire.
Alors que le Covid a rappelé le primat de la vie sur l’économie, Najat Vallaud-Belkacem appelle à la cohérence pour que l’aide publique au développement représente enfin 0,70% de notre PIB. Elle participera aux journées Solutions Solidaires dont Libération est partenaire.
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Il est un coin du monde où mourir de faim fait partie des possibles. Où succomber en donnant la vie est un lot presque commun. Où rendre son dernier souffle avant l’âge de cinq ans, du fait d’une maladie que pourtant le monde sait soigner, est une fatalité partagée chaque jour par 18 000 enfants. On dirait une dystopie ? C’est une réalité, pas même éloignée géographiquement. Le Covid-19 a mis à genoux nos systèmes de santé, nos économies, nos capacités d’organisation, nos liens sociaux, notre patience. Et si néanmoins il nous ouvrait les yeux sur une évidence plus flagrante que jamais : ce monde en partage qui est le nôtre ? Parce que la pandémie, en n’épargnant aucune région du monde révèle aux yeux de tous notre commune vulnérabilité, notre commune humanité.
Elle tue, oui, cette pandémie. L’extrême pauvreté aussi. Or depuis le début de la crise, cette hydre-là s’est nourrie de près de 150 millions de personnes supplémentaires. En plus des 700 millions qu’elle retient déjà prisonnières. En cas d’urgence, l’argent est là. «Quoiqu’il en coûte». Alors sachons que les progrès contre l’extrême pauvreté sont eux en train de faire, à toute vitesse, un immense bond en arrière. Et que malgré cela, il est des pays, comme la Grande Bretagne de Boris Johnson qui songent sérieusement à réduire les montants alloués à la solidarité internationale.
Le monde de 2021 a plus que jamais besoin de solidarité internationale, et cela passera par une aide publique au développement ambitieuse dans chacun de nos pays. Une aide sans tours de passe-passe budgétaires qui la gonflent artificiellement. Sans instrumentalisation à des fins de politique intérieure, sans détournement pour servir des objectifs de contrôle de l’immigration, ou de promotion des intérêts commerciaux des pays donateurs. Bref une aide dont l’ultime objectif soit d’extraire de cette non-vie à moins de 1,90 dollar (1,57 euro) par jour l’intégralité de la population du monde. Zéro extrême pauvreté en 2030. C’était l’engagement que nos pays avaient pris devant l’ONU en 2015. Nous savons comment faire. L’extrême misère a baissé de 75% depuis les années 90. Les maladies évitables font aujourd’hui deux fois moins de victimes qu’à l’époque. Baisserons-nous les bras si près du but ?
Si au nom des vies humaines qu’il s’agissait de sauver nous avons collectivement donné mandat à nos gouvernements d’arrêter ici des pans entiers de l’activité économique, de nous confiner, de nous endetter, n’est-ce pas parce qu’en effet, en toute chose, la vie humaine doit être l’impératif catégorique ? Alors soyons cohérents. Atteignons enfin les 0,70% de notre PIB consacré à cette aide publique au développement. Nous en avions fait la promesse … il y a de cela un demi-siècle. Et osons la qualité : aidons là où on en a le plus besoin, en Afrique subsaharienne en particulier, et pas là où c’est plus confortable pour nous. Appuyons l’essor des services sociaux essentiels et notamment de l’éducation et de la santé parce que ces populations ont fondamentalement les mêmes besoins et les mêmes prérequis à leur émancipation que les nôtres. Osons une taxe sur les transactions financières européennes, qui financerait en partie cette aide grâce à une juste redistribution des profits mondiaux. Oui, quoi qu’il en coûte, comprenons que nous avons ce monde en partage.
Najat Vallaud-Belkacem ancienne ministre de l’Éducation nationale, Directrice générale de One France
Tribune publiée par Libération le 19 janvier 2021.
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